Mercredi Culture #2 : « Comment renouer avec le sauvage ? »

Pour ce deuxième mercredi culture de 2022, on vous parle du journal le 1, son Hors-série intitulé “comment renouer avec le sauvage”, l’occasion pour nous d’aborder la question des relations homme – nature.

Publié depuis 2014, le journal hebdomadaire le 1 propose chaque semaine d’explorer un sujet d’actualité traité à travers plusieurs regards différents. Des personnalités de corps de métiers très divers interviennent ainsi dans le journal afin de donner au lecteur plusieurs clés de lecture pour considérer un sujet. 

Au rythme de trois ou quatre par an, le 1 Hebdo publie un petit opus hors-série “les 1dispensables” de textes d’auteurs et chercheurs autour d’un thème précis. “où va l’agriculture ?”, “réparer le climat” mais aussi “ce que le covid nous a appris” ou encore “les gilets-jaunes, et après ?”, autant de thèmes politiques extraits de l’urgence des actualités pour y réfléchir au travers d’un jeu de regards multiples. 

Le dernier en date “comment renouer avec le sauvage” convoque journalistes, éthologues, philosophes, naturalistes, musiciens, écrivains, militants, médecins, réalisateurs et bien sûr géographes ! De son éminent regard sur “l’anthropocène” cette nouvelle ère où l’homme joue un rôle plus important que les processus naturels sur le globe, la géographie nous éclaire sur notre oubli progressif du monde sauvage, souvent en connivence avec ce qu’on appelle le progrès. Cette disparition silencieuse, presque invisible, du discret vivant et de l’indocile est justement mis en exergue au travers des différents chapitres de ce recueil. Cette sixième grande extinction, que nous vivons déjà, les auteurs de ce recueil tentent d’en dresser les contours, les tenants et les aboutissants. Si le pessimisme est de mise face à cette érosion de la biodiversité, il n’empêche pas de réfléchir à des solutions futuristes comme la dé-extinction, une avancée scientifique prometteuse en parallèle d’autres combats comme ceux des résistants de la déforestation au Brésil.

Détruire – Protéger – cohabiter : titres empruntés aux trois numéros de juillet des hebdomadaires sur la question du sauvage publiés par le 1 en juillet dernier, ce triptyque résume bien les trois types de rapports que nous entretenons avec la flore et la faune sauvage.

La façon de considérer cette dernière est notamment liée à l’histoire de la philosophie, lorsque l’homme a compris d’abord pour lui-même ce qui faisait de lui une chose particulière et unique : la pensée. La révolution cartésienne du “cogito ergo sum”, “je pense donc je suis” au XVIIe siècle a poussé l’homme et son esprit à se définir comme un sujet, c’est-à-dire une chose douée de pensée. C’est en partie là que se joue cette différenciation entre l’homme et l’animal qui n’est alors qu’un objet et à qui la science n’attribuera des qualités cognitives que bien plus tard.

Nos relations verticales actuelles de destruction et de protection sont héritées de cette profonde distinction philosophique : l’objet (le sauvage) étant à la merci du sujet (l’homme). Pour autant, l’anthropologie nous apprend que les sociétés animistes concevaient déjà l’animal comme doués d’un esprit et d’une conscience au temps de Descartes. La colonisation progressive de pans entiers de continents par l’Europe à partir du XVIIe siècle aurait ainsi permis de propager ce concept philosophique occidental en même temps que les rapports de domination de l’homme sur la nature à travers le monde.

Pour aller plus loin, le 1 propose un podcast “la voix du 1” sur le sujet. En 50 minutes, il revient sur la façon de penser notre relation au vivant en nous invitant à dépasser ces rapports verticaux de destruction et de protection. Il faudrait ainsi sortir de cette opposition sujet-objet pour reconsidérer nos relations, pour “renouer avec le sauvage”. A terme, l’objectif est d’arriver à des relations horizontales entre l’homme et la nature pour permettre des modes de gouvernance et de diplomatie mutuelle afin de partager équitablement ce monde que nous colonisons à pas de géant. 

Bien sûr, il est permis de douter du réalisme de cet objectif tant les intérêts, que nous avons construits dans nos sociétés industrielles et postindustrielles, sont capables de justifier aujourd’hui les pires actions à l’égard de la nature. L’homme imbu et abusant de sa position dominante qu’il s’est lui-même construit ne serait-il pas aujourd’hui ce monarque absolu qui à droit de vie ou de mort sur ses sujets – à savoir la nature ? L’histoire nous apprend que les potentats finissent toujours par choir de leur trône, renversés par ceux qu’ils ont trop longtemps dominés ; mais cette fois-çi la révolution sera climatique et risque bien d’emporter en même temps les souverains et leurs sujets, comprenez l’homme et la nature.


Pour aller encore plus loin, si le sujet des relations homme – nature vous intéresse, on vous invite à découvrir les éditions actes sud mondes sauvages qui proposent une série d’ouvrages pour explorer nos rapports différenciés aux différents mondes vivants. Les auteurs ont été choisis à leur sensibilité vis-à-vis du monde vivant, en particulier la façon dont ils écoutent ce dernier. A travers leurs ouvrages, ils jouent ainsi un rôle d’interprète avec ces peuples incompréhensibles par la langue mais avec qui le dialogue est devenu indispensable pour cohabiter et  “pour une nouvelle alliance”  (actes sud).

 
Sources : site de Actes Sud, site du 1 hebdo, site de l’encyclopédie universalis, site de France Culture

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